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Un peu de théorie à propos des mythes, archétypes et symboles.

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                                                             « Chaque fois que les mythes relatifs aux vérités divines présentent une

                                                             invraisemblance de pensée, ils nous crient sur le champ, pour ainsi dire,

                                                             et nous attestent qu’il ne faut pas les croire à la lettre, mais examiner et

                                                             explorer leur sens caché. »

                                                                                                                        Empereur Julien, 4ème siècle après J.C.(8)

 

 Mais d’où émergent ces figures mythologiques qui, de surcroît, se retrouvent régulièrement dans différentes cultures? Elles sont imaginaires -imaginales, diront certains-  tout comme les personnages de certains rêves. Selon J.P. Vernant, le mythe apparaît «sous la figure d’un récit venu du fond des âges et qui serait déjà là avant qu’un quelconque conteur en entame la narration…le récit mythique ne relève pas de l’invention individuelle…mais de la transmission et de la mémoire. » (9)

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La psychologie analytique postule par ailleurs qu’au fond du psychisme humain se trouve une couche collective, partagée par l’ensemble de l’humanité, un lieu où, selon C.G. Jung (10) , « …nous pénétrons dans l’être humain plus profond, plus général, plus vrai, plus durable, qui plonge encore dans le clair-obscur de la nuit originelle…, au sein de la nature indifférenciée et impersonnalisée. C’est de ces profondeurs, où l’universel s’unifie , que jaillit le rêve,… » 

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C’est de là que jaillit le rêve, et aussi le mythe. C.G. Jung  précise dans un autre ouvrage : « Plus les « couches » sont profondes et obscures,  plus elles perdent leur originalité individuelle. … plus elles deviennent collectives et finissent par s’universaliser … » (11) 

 

Au fond de la psyché, sous les différences individuelles, se trouve donc une « couche » psychique collective, commune à l’ensemble de l’humanité. Elle est constituée de structures  énergétiques appelées archétypes. Les archétypes sont à la psyché ce que les organes sont au corps. Ils comportent un aspect positif et un aspect négatif. Ce sont des « programmes » universels mais imagés dans chaque culture par des personnages ou des fonctions porteurs de particularités propres.  Dans nos pays de l’Europe de l’ouest par exemple, l’archétype de la mère dans son aspect redoutable peut être représenté par une figure jalouse et meurtrière comme la belle-mère de Blanche Neige (12), tandis qu’en Russie, c’est souvent la sorcière Baba Yaga (13) qui incarne cet archétype. Elle est  tout aussi redoutable, vit au milieu des bois dans une hutte dont le pilotis est une patte de poule, mais s’avère aussi être une initiatrice.

 

A propos des archétypes, C.G. Jung écrit : « …dans l’expérience pratique…les archétypes sont à la fois des images et des émotions. L’on ne peut parler d’archétypes que lorsque ces deux aspects se présentent simultanément. » Lorsque l’image « se charge d’affectivité, l’image acquiert de l’énergie psychique. Elle devient dynamique… » (14)

 

Si les mythologies intéressent la psychologie analytique, c’est qu’elles constituent un livre ouvert sur le monde des archétypes et leur dynamique, sur la structure du psychisme et son inventivité. Selon Aimé Agnel, « c’est une forme de pensée imaginative très élaborée, proche de l’inconscient et de ses symboles ; les archétypes produisent des motifs mythologiques… indépendants des lieux et du temps où ils apparaissent ; ils correspondent… à certains éléments collectifs (non personnels) constitutifs de l’âme humaine » (15)  Les mythologies sont donc peuplées de personnages ou d’éléments aux caractéristiques universelles, même s’ils sont imagés de manières diverses d’une mythologie à l’autre ou d’une époque à l’autre.

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Et C. G. Jung écrit aussi : « Si elle dispose de sources de toute évidence personnelles, la fantaisie créatrice dispose aussi de l’esprit primitif oublié et depuis longtemps enfoui avec ses images particulières révélées dans les mythologies de tous les temps et de tous les peuples. » (16)

Chaque mythologie engendre, dans la culture qui y adhère, un ensemble de rituels qui rendent hommage aux personnages mythologiques qui servent de modèles. Ces rituels passent également pour avoir une efficacité magique destinée à maintenir l’harmonie entre le groupe humain qui les pratique, les éléments naturels et les divinités. Les rites ont aussi pour rôle de ponctuer les étapes de la vie des individus ou d’une communauté.

A chaque relecture du récit mythologique, à chaque réalisation du rituel qui le met en jeu, les thèmes archétypiques sont à la fois répétés et réinventés, au sens où chaque personne les réinterprète avec sa résonnance particulière. Archétypes et mythes réalisent une conjonction entre répétition et création : ils se réfèrent à un temps cyclique, celui de la recréation permanente.

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A propos de la pensée imaginative, C.G. Jung écrit encore : « … une grande partie de ses contenus appartient au domaine de la conscience ; mais une quantité aussi importante se déroule dans la pénombre et même absolument dans l’inconscient… » (17)

Les dynamismes qui appartiennent au monde intérieur, archétypique, s’expriment à travers des images et des symboles : l’archétype, en tant qu’énergie psychique, non seulement se manifeste dans un symbole, mais il s’y transforme aussi en une réalité abordable. « Le symbole », écrit C.G. Jung, « est un terme, un nom ou une image qui, même s’ils nous sont familiers dans la vie quotidienne, possèdent néanmoins des implications qui s’ajoutent à leur signification conventionnelle et évidente. Le symbole implique quelque chose de vague, d’inconnu ou de caché pour nous… Lorsque l’esprit entreprend l’exploration d’un symbole, il est amené à des idées qui se situent au-delà de ce que la raison peut saisir.» (18) 

Le symbole vient donc nous saisir sur le plan ontologique: « l’image devient symbole quand sa valeur se dilate au point de relier en l’homme ses profondeurs immanentes et une transcendance infinie», écrit J. Chevalier. (19)

Le symbole exprime à la fois le connu et l’indicible : il constitue un pont, une possibilité de lier, de contenir ou d’unifier des éléments disparates ou contraires.  

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